Ce qu'Edith a mis sur son blog hier m’a permis de retrouver des sensations oubliées, celles que j’éprouvais chaque fois que je recevais des actes anciens, comme celui ci-dessus : un acte de mariage datant de "l’an de grâce mil sept cent trente neuf".
Quand j’ai commencé ma généalogie, l’engouement n’était pas tel qu’aujourd’hui, et j’avais accès aux vieux registres. Odeur si particulière, silence religieux, je tournais les pages avec des mouvements infiniment tendres, et, sublime plaisir, je repartais avec les photocopies des actes qui m’intéressaient, chose qui est maintenant interdite.
Je possède donc des documents super anciens (par exemple, l’acte de naissance en 1679 d’un de mes ancêtres belges. Eh oui, je suis d’ascendance suisse et belge, ça ne s’invente pas !).
Mais pourquoi vous saoule-je avec ça ? allez-vous soliloquer. Eh bien je vous répondrai sur le même ton que lorsqu’on se penche sur sa généalogie, il peut arriver qu’on s’attache.
Eh oui.
Je me suis attachée à une de mes ancêtres sans l’avoir jamais connue. C’est fou non ?
On l’avait baptisée Elizabeth mais elle était connue sous le nom de Julie. Autant j’avais pu remonter toute son ascendance jusqu’en 1550 sans aucun problème, autant une chape de mystère entourait Julie. Dans ma famille en effet, tout le monde faisait comme si elle n’avait jamais existé. Carrément.
Pour approcher Julie il m’a donc fallu réellement voyager à travers le temps, emportée certes par ma curiosité infinie et ma frustration de ne pas savoir comme pour les autres les petits détails de son état-civil. L’enquête a été longue, enchaînement crescendo alimenté par ma curiosité de plus en plus grande, cheminement sans rupture, d’une rare intensité, moi qui suis pourtant si peu patiente. Allegro appassionato.
La mission semblait pourtant perdue d’avance : les secrets de famille sont bien gardés. Pourtant, le secret de Julie, je l’ai percé. Secret si banal aujourd’hui qu’il en perd toute sa saveur si on ne se replace pas dans le contexte d’alors. J’ai réhabilité Julie. Julie la rejetée de la famille, Julie la fille honnie, Julie dont on a voulu détruire jusqu’au souvenir de sa courte existence.
Elle s’appelait Julie, elle était née en 1831. C’est son nom que je porte, et celui de son père.
Julie, c’était le corps qui attendait cet autre corps pour se coller à lui. Romantique, les sens retournés, l’âme en forme de cœur, elle murmurait des "je t’aime" garantis à vie. Pour son amant dont elle ne se lasserait jamais, Julie devenait un pur chef-d‘œuvre, un joyau multipliant à l‘infini les facettes de la sensualité. Elle lui donnait son amour à petites goulées.. Il le savourait avec l’appétit que la chose mérite. Julie avait cette magie hors du temps qui fait que, tant d’années plus tard, elle m’émerveille encore. Parce qu’avec elle, le cœur parlait tellement plus fort que la raison.
En somme, Julie était un peu comme moi.
A moins que ce ne soit l’inverse ?
"Les souffrances familiales se répètent de génération en génération, jusqu’à ce qu’un jour, un descendant en prenne conscience et transforme la malédiction en bénédiction." Alejandro Jodorowsky
Pour info, le prochain de la catégorie "Prénoms" sera Catherine.
C'était celui de la mère de Julie.