ma belle sentinelle
C’était au cours de mon escapade briochine. Les deux plus jeunes de mes petits-fils avaient eu leur petit cadeau-souvenir, sauf l’aîné. Nous étions donc retournés à la librairie, où mon troisième petit-fils avait jeté son dévolu sur un petit livre, à défaut de quelque chose de typiquement breton (entre parenthèses ya pas grand-chose de typiquement breton à St Brieuc !).
C’est donc là que j’ai pris ce livre, comme ça.
J’aime bien être choisie par un livre de cette manière. C‘est souvent une agréable découverte - si on omet les passages où l‘auteur s‘exprime de manière un peu crue (en tout cas à mon goût).
J’aimerais partager avec vous un des extraits que j’ai surlignés. Patrick Sébastien y expose une théorie qui m’a intéressée, une théorie qui peut-être, explique la force qui, curieusement, émanait de moi au moment où mon père a été emporté par un cancer : alors que Maman se reposait totalement sur moi, que ma sœur était effondrée, une force et une énergie absolument phénoménales côtoyaient mon chagrin et mon désarroi pourtant immenses (mon père était le pilier de la famille, et lui malade, le monde s‘écroulait).
Voici l’extrait en question :
" Le teint de Maman se grise et elle continue à rétrécir. Perdue dans le lit trop grand, elle est là sans y être. Donc, rien de réconfortant. Et pourtant, un état d’âme nouveau s’est installé en moi. Une robustesse, une volonté surprenante. Je me remémore mes découragements tout juste récents comme si c’était ceux d’un autre. N’ayant rien consommé qui puisse me rendre euphorique à ce point, je n’y vois qu’une explication : l’âme de Maman commence à s’enfuir, et de ce fait, vient pan après pan se poser près de moi pour me consolider. (…)
À la mort de mon fils, j’ai senti une force étonnante prendre le pas sur l’abattement. Cette force m’a conduit sur scène le soir même, m’a fait tenir étonnamment droit, pendant tout le chemin du deuil. Je suis persuadé que ce sont les morceaux d’âme de mon fils qui ont étayé ma douleur. Et ces fragments sont venus me soutenir dès que j’ai appris la nouvelle. Comme s’ils avaient été transférés dans l’instant, pour ma sauvegarde. La force que je ressens ce soir est du même ordre, moins abrupte, s’installant réellement mais montant en puissance au fil des heures. Comme si tout ce qui se vide de Maman me remplissait inexorablement.
Ma tristesse sera immense, bien sûr, mais je garderai toujours un sourire en coin. Maman est déjà là, tout près.
Ma belle sentinelle ! "