Vous le savez car je vous en ai rebattu les oreilles, j’ai été profondément marquée par certains événements de mon enfance, plus particulièrement par la violence de mon père envers ses filles, et par ce que je tenais de la part de ma mère pour de l’indifférence.
Là où ma sœur, la tête haute, s’est rebellée, j’ai suivi le chemin balisé de la soumission, ce qui n'a pas empêchée que je sois mal jugée par les miens.
Ma famille ne se résume plus aujourd’hui qu’à une seule personne (je ne parle pas de ma sœur, elle est une autre moi-même, celle que j’aurais certainement été si je n’avais pas été celle que je suis ;-)).
C’est de cette unique personne dont je vais parler aujourd’hui.
Il y a dans quasi toutes les familles des choses qu’on sait et qu’on ne dit pas, choses qui peuvent devenir de véritables carcans qui nous étouffent et nous empêchent de nous construire en tant qu'être libre et autonome.
Lorsqu’on s’intéresse à la généalogie très jeune, on découvre forcément ces secrets de famille que génération après génération tout le monde s’est appliqué à dissimuler. Se pose alors un choix : faut-il en parler ou le garder pour soi ?
Parce que j’étais "loyale" sans le savoir – c’est un mot à la mode qui veut dire qu’on reste dans le "droit chemin" tracé pour vous par vos parents – lorsque j'étais jeune j’ai gardé toutes mes découvertes pour moi. Du reste, les membres de ma famille n’y accordaient pas d’intérêt, terrorisés qu’ils étaient à l’idée que je trouve ce que tout le monde savait et dont on ne parlait pas (on préférait se crier dessus, se vouant une haine féroce en déballant des trucs vieux de quarante ans).
Au fur et à mesure que je découvrais des choses "inavouables", que certaines de mes questions restaient sans réponse, j’avais, pour reprendre une merveilleuse expression de ma fille aînée, l’impression qu’on m’avait vidé des sacs-poubelle entiers dans la tête.
Au moment de la mort de ma mère, ma famille n’était plus réduite qu’à une seule personne. Les quelques autres parents que nous avons ont dû juger que ce que nous avons fait de notre vie n’était pas assez bien, enfin j’en sais rien, peu importe.
Cette personne, assez curieusement, nous est tombée dessus, sur ma sœur et sur moi, avec ses jugements et sa colère. En fait, elle nous a balancé toute la colère qu’elle ne pouvait plus adresser à notre mère. Enfin pour être honnête, c’est contre moi précisément qu’elle l’a retournée. Cela avait été extrêmement violent, d’autant plus violent que j’étais en deuil et que je ne comprenais absolument pas comment je me retrouvais être le sujet d’une colère aussi virulente.
A la suite de ça j’ai "coupé les ponts", et ceux qui me connaissent peuvent mesurer par là-même la gravité de la chose pour que j’en sois rendue à une telle extrêmité (ça devait être la première fois que je coupais les ponts avec quelqu’un, c’est dire !).
Puis le temps a passé, faisant son œuvre bienfaitrice. Mon affection pour cette dame, âgée maintenant, a repris ses droits. Oui sans doute, elle s’est "mal" comportée à cette période, et alors ? puis-je jurer que moi-même, je ne l’ai jamais blessée ?
De toutes façons, j’ai besoin d’elle. J’ai besoin de savoir comment elle va. Elle fait partie de ma vie, et si les premières reprises de contact ont été difficiles (elle me balançait pas mal de piques à chaque fois, des reproches, etc ..), petit à petit l’échange est redevenu serein.
Et puis hier, je cherchais quelque chose dans ma boîte à courrier, quand je tombe sur une lettre qu’elle m’avait adressée il y a quelques années (avant la mort de ma mère) suite à un petit "différends" entre ma mère et moi (c’est le moment où je commençais tout juste à essayer de dire ce que je ressentais).
Et je me suis mise à lire ..
"J’ai toujours parlé d’amour, je suis intarissable sur ce sujet, et je ne peux vivre sans l’amour des miens, et mes enfants savent bien qu’ils nourrissent mon envie de vivre par leur amour, sinon je dépérirai comme une grappe de raisin sur un rameau sec. L’amour, c’est donner, comprendre, relativiser, pardonner, et c’est aussi, surtout, échanger.
Ma chérie, j’ai été très surprise de ton attitude hier, et je t’écris ce matin car je n’ai pas bien dormi cette nuit. En effet, tu nous as dit à ta mère et à moi qu’on ne te comprenait pas, c’est vrai, et je ne vais pas développer ce sujet qui, pour moi, est de peu d’importance par rapport aux graves soucis qui alourdissent ta vie en ce moment.
J’ai constamment été considérée comme une personne forte moralement, mais ma force, je l’ai toujours puisée dans la confiance, l’aide et la foi que j’avais dans mon mari, mes parents, mes enfants et ma famille.
Maintenant il me reste mes enfants, mes sœurs et mes nièces. J’ai toujours et plus que jamais besoin de l’amour de ceux qui me restent, et c’est vital pour moi.
Alors fais comme moi, ma chérie, aime, réfléchis positivement, relativise, donne à ta maman l’amour dont elle a besoin et essaie d’être brave pour affronter les problèmes de ta vie sans t’arrêter aux peccadilles."