C’était il y a quelques mois. Onze exactement.
Au bas des billets journaliers qu’envoyait Lung Ta, revenait fréquemment des citations du livre de Etty, Une vie bouleversée.
A chaque fois, je me disais : " il faut que je lise ce livre".
Les jours passaient.
Un jour, en entrant à la Bibliothèque Municipale, ouaouuuh..
je le vois !
Pas Lung Ta.
Le livre.
Il était juste en face de moi, comme une évidence. La bibliothécaire l’avait sorti de son étagère pour l’exposer à mes yeux ébahis, écarquillés, ébaubés.
Un signe ?
Sûrement.
J’ai donc pris le livre.
Puis je l’ai ouvert sans méfiance.
Après quoi il s’est passé quelque chose que j’ai rarement expérimenté : je n’arrivais plus à le refermer.
A tel point que, moi qui lis d’habitude seulement le soir, je ressentais le besoin de lire à tout moment du jour.
Je me suis donc mise à marcher, avec Etty dans mon sac. Je marchais, je marchais, je marchais, je ne savais pas où j’allais mais j’y allais fermement, moi qui d’habitude marche très nonchalamment, j’emmenais mon livre, Etty Hillesum,
d’habitude quand je lis je note certains passages, mais là c’est terrible il m’aurait fallu noter quelque chose de chaque page.
Donc, je m’arrêtais un peu, je lisais, je marchais, je m‘arrêtais, je lisais, je marchais.
Etty dit :il faut savoir se rendre passif, se mettre à l’écoute.
Elle dit aussi : il m’arrive souvent de trouver plus facile de mourir que de vivre.
Je n ‘avais jamais compris (jamais ressenti) ce que ça peut bien être que de ne plus avoir envie de vivre.
Même quand j‘étais petite fille, dans des situations où les petites filles se mettent les bras sur la tête en priant pour que çà s’arrête, je me rappelle très bien que même comme çà, avec la terreur au ventre, quelque chose me montait dans la poitrine, quelque chose me dévastait, j’avais la peau recouverte de frissons partout partout, et ce quelque chose, c’était mon amour, mon amour de la vie, alors je dansais, j’éclatais de rire là où peut être d’autres auraient pleuré (ce qui faisait déjà de moi une compagne universellement appréciée).
Non, bon, aujourd’hui je suis sérieuse.
Je disais donc que ce concept de " trouver plus facile de mourir " qui me dépassait totalement, voilà que c’était exactement ce que je ressentais : c’est difficile de vivre !
Lung Ta (qui doit bien rire dans les moustaches qu’il n’a pas) le dit souvent et je le prenais pour un extra-terrestre, alors que l’extra terrestre, c’était moi.
Peut être parce que j’avais le " complexe de Blanche-Neige " ? (conte de fées, tout le monde i’l’est beau tout le monde i’l’est gentil, etc)
Bon pour en revenir à mon livre de Etty, je marchais en lisant, (ou je lisais en marchant) mais comme c’était en janvier (j’ai emprunté le livre à la biblio le 14 janvier 2007 exactement) vers 18h la nuit tombait et je ne pouvais plus lire.
Néanmoins tout en marchant, je pensais à ce que Lung Ta m’avait dit.
Oui, parce que peut être que Philippe sait parler aux femmes.
Mais Lung Ta, lui, sait parler aux nounounes.
Bon OK, il offre pas des fleurs.
Il offre des monstres.
http://lungtazen.canalblog.com/albums/zem_01/photos/10769804-zem_006.html
Mais bon. Il mérite quand même une ovation spéciale.
D’abord parce que c’est grâce à lui si j’ai découvert Etty. (Bon, OK, il n’y est pas pour grand-chose) (il m’a avoué que les phrases d’Etty écrites au bas de ses mails sont bêtement tirées au sort par son ordinateur qui nous le savons tous, est une chose sans âme et sans cœur)
Mais bon.
Je l’ovationne quand même.
Car Lung Ta est le seul qui m’ait jamais dit
" est-ce que tu t’es déjà demandé si ce que tu vis est vraiment toi ? "
J’en ai été toute ébaubie.
C’est là que je me suis mise à me repenser totalement (et assez audacieusement, je dois bien l’avouer) :
suis-je ce que je parais être ?
parais-je ce que je suis ?
Mrffffffff.
Si je ne suis pas ce que je parais, ne devrais-je pas passer du temps à chercher comment je serais si j’étais ce que je parais ?
Oui mais si je passe du temps à chercher comment je serais si j‘étais ce que je parais, arriverais-je à la conclusion que je ne suis pas ce que je parais que je suis ?
Et si je ne suis pas ce que je parais que je suis, pourquoi alors consacrer du temps à chercher comment je serais si j’étais celle que je parais ?
Oui mais quand bien même je serais celle que je parais que je suis, ne m’enfoncerai-je pas là dans une illusion ?!!! Celle que je pense que je suis ? En effet, puis-je voir ce que je pense que je suis, surtout si on tient compte du fait que je ne suis pas ce que je suis mais seulement ce que je parais que je ne suis pas ? Et même si je suis ce que je parais, n’en reste-t-il pas moins que ce n’est que le concept de ce que je pense que je parais que je suis ?
Ne serais-je donc qu'une illusion ??????!!!!??????
Lung Ta,
merci beaucoup.