Les pas japonais
La fabrication par ma sœur de dalles de jardin - les dernières en date : des "pas japonais" - m’a donné envie d’en savoir plus sur cet art. En fait, contrairement à ce que l’on croit peut-être, confectionner un jardin à la japonaise ou ratisser des mers de gravier n’est pas une invention des moines bouddhistes zen, c’est l’inverse : c’est en créant ces jardins selon les préceptes anciens que les moines zen ont trouvé un moyen de parvenir à l'Éveil (en japonais 悟 et en chinois 悟, ce qui tend à prouver que l’Éveil est universel). Eh oui ! pratiquer le jardinage en lui donnant une dimension spirituelle et en l'utilisant comme support de méditation, c'est possible ! Si ça tombe, en posant ses "pas" dans son allée, ma soeur ne s'est même pas rendu compte qu'elle méditait !
En fait, à l'origine, l'art des jardins japonais est un culte Shinto, la religion la plus ancienne du Japon, bien antérieure au bouddhisme, laquelle repose sur des concepts super chouettes comme l'harmonie entre l'homme et la nature (pour une meilleure communication entre l'un et l'autre, les Japs ont inventé les kamis (神), qui sont des genres d'esprits célestes et accessoirement terrestres ayant des pouvoirs variés).
Il y a paraît-il huit millions de kamis au Japon, rien que ça !!! En fait il existe des kamis pour quasi tout (par exemple les kamis du peigne, du crachat, et même des excréments)(i’sont fous ces Japs !).
Mais (Dieu soit loué) il y en a aussi des super chouettes comme
- Izanami, le kami de la première femme,
- Amaterasu, celui de la déesse du soleil,
- Inari, le dieu du riz (pour le dieu du haricot vert, je n'ai rien trouvé)
- ou encore, ma préférée, Ame no uzume, la déesse de la gaieté.
Oui alors, pour en revenir à l'art du jardinage nippon, il s'agit pourrait-on dire de retrouver la joie qu'on éprouvait, enfant, chaque fois qu'on utilisait nos mains pour découvrir le monde. Car qu'est-ce que nos mains, si ce n'est le premier mécanisme de connexion à la vie, les instruments qui nous permettent d'exprimer notre créativité et notre originalité ?? Chaque fois que nous utilisons nos mains, nous nous reconnectons à notre monde intérieur, ce monde où, en chacun de nous, il y a une inspiration, une spontanéité créatrice, un élan vital, quelque chose, quoi !!! Et ce quelque chose est à nous, tout à nous, rien qu'à nous !! personne ne nous l'enseigne, c'est un présent, un talent unique !!! Il est quelque part dans l’harmonie de ce qui a été, de ce qui est, de ce qui sera, il suffit de laisser faire, d'écouter, de ressentir, jusqu'à ce que dans notre élan, nous fassions partie d'un Tout jusqu'à appartenir au Tout ! C'est fou, je vous jure, c'est fou !!!
Oui bon. Où en étais-je ?
Ah oui. Les "pas japonais".
Oui alors donc au tout début (Xe siècle), on cherchait à reproduire dans les jardins un paysage naturel jusque dans ses moindres détails afin de sublimer la beauté de la nature. Deux siècles plus tard est apparu le Bouddhisme Zen qui enseigne avec une logique très particulière que la réalité des choses tient toute entière dans leur vacuité. Tout cela contrarie fort les artistes es-jardinage. Comment vont-ils bien pouvoir représenter la vacuité de la réalité ??? Apparaissent alors des trucs épurés où les îles et les pièces d'eau sont remplacées par du sable blanc et des pierres, le vide étant propice à la méditation, comme l'on sait.
Tout l'art consiste à donner aux pierres une impression de légèreté, comme si elles flottaient au-dessus du sol, telles de riantes gazelles.
Alors pour savoir si vos pierres sont bien disposées, je vous recommande de les faire arpenter par votre meilleur ami les yeux fermés. S'il se rétame, c'est qu'elles étaient mal disposées, mais comme c'est votre meilleur ami, il ne vous en tiendra pas rigueur (c'est même la raison pour laquelle c'est par lui qu'il faut les faire tester).
Si personne ne tombe, bingo ! tel le ver à soie blotti dans sa chrysalide, vous pouvez vous dire que vous êtes en train de muter vers quelque chose de beau et de très doué.
NB A l'heure actuelle, je suis bien obligée d'admettre que ma propre mutation n'est pas terminée, surtout en ce qui concerne le domaine culinaire. Croyez bien que je le regrette et que vous serez les premiers informés de toute progression dans ce domaine (mais il reste du boulot).