Catherine demande si Orange Mécanique ne serait pas un grand classique lyrique. Hm, si tu entends par grand classique lyrique un étalage de violence, alors oui Catherinette, Orange Mécanique est un grand classique lyrique.
C’était un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. J’avais dans les 17/18 ans et une de nos sorties favorites était de se payer une toile (à vrai dire yavait pas grand-chose d’autre à faire).
Après la séance il n'y avait plus de train et on rentrait à pied en longeant la voie de chemin de fer.
Si ma mémoire est bonne (ce qui reste à vérifier vu mon âge canonique), je suis allée voir ce film avec ma sœur et chacune notre petit copain.
Orange Mécanique donc. Précisons d’abord que je/nous étions dans un trip qui ne me conviendrait certes plus !! Quand je regarde un film, ce qui reste rare, c’est essentiellement pour rigoler. Or, à cette époque j'étais allée voir L’exorciste, dont on peut dire beaucoup de choses mais sûrement pas que c’est marrant. En plus je l’ai vu trois fois (y compris en V.O., encore plus effrayante qu’en français) pour la raison que mon copain vouait à ce film une passion sans borne (on ne pense pas assez aux répercussions dramatiques des passions cinématographiques de son petit copain).
Bref. Je vous pose le décor d'Orange Mécanique : nous sommes dans une ville britannique où les jeunes ont pris le pouvoir. Tous ? oui, tous. Représentés par le personnage principal, Alex, inoubliable de violence malsaine et nauséabonde.
Ce garçon délicieux, comme Hitler en son temps, passionné par la musique de Beethoven (qu'il appelle Ludwig van) l’est aussi par le sexe et l’ultraviolence, comme il dit (la violence super violente). L’essentiel de leurs distractions, à lui et sa bande, repose sur le passage à tabac de tout ce qui leur tombe sous la main et le viol de tout ce qui leur tombe entre.
Il y a d’ailleurs une scène d’anthologie où une nana à qui ils ne font pourtant pas peur ne gagnera malgré tout pas la bataille mais je n’en dis pas plus, tellement c’est tordant d’humour (noir), au cas où ceux qui ne l'ont jamais vu voudraient voir le film.
Heureusement comme vous savez, ya une justice en ce bas monde. Un jour qu’Alex et sa clique se divertissent gaiement en faisant un casse et en zigouillant un mec par inadvertance, Alex est arrêté par la police et condamné à 14 ans de réclusion criminelle. Il ne fera pas son temps de peine pour la bonne raison qu’il accepte de se prêter à une thérapie révolutionnaire : ça vient de sortir et ça consiste à le faire user et abuser des trucs qu’il aime jusqu’à ce qu’il en ait la nausée. Je me rappelle d’une scène par exemple où avec un système où il est dans l’incapacité de fermer les yeux, on le colle devant une scène de viol, donc au début il se dit "Yes trop d’la balle !!! " (pour une meilleure compréhension je vous traduis avec le langage d’aujourd’hui) et en même temps, on lui injecte Dieu sait quoi qui lui fait un mal de chien. Un genre de réflexe de Pavlov en quelque sorte.
D’ailleurs au cours d’une de ces séances, on lui montre des scènes de l’Allemagne nazie (si vous doutiez encore que comme film, ya plus marrant, là vous n’avez plus aucun doute), la bande-son est la Symphonie n°9 de son cher Ludwig van, ce qui provoque immédiatly en lui une irréversible aversion pour cette musique.
Comme vous voyez, Kubrick le réalisateur du film entendait démontrer que la société ne prône pas le bien, mais force juste l'individu à s'y conformer. Ce qui n’est pas pareil !!! le bien n'est pas choisi mais adopté sous la contrainte de l'éducation, de la loi, de la répression. Thèses joyeusement illustrées par le traitement décrit ci-dessus, qui impose à un sale type criminel de faire le bien contre sa volonté, alors qu’au-dedans, il reste tout pourri tel qu'en lui-même.
Alors forcément, après sa remise en liberté (puisque c’était le prix à payer pour être libéré tout de suite) Alex se retrouve tout désemparé, sans défense, comme qui dirait une puce sans son chien. Oui, parce que figurez-vous que comme par hasard, il rencontre tous ceux qu’il avait agressés avant son arrestation, mais bref, je ne vais pas tout raconter, si des fois ..
Je précise que ce film est tiré d’un livre d’Anthony Burgess (auteur que je ne connaissais pas à l’époque, depuis j’ai lu son excellent "L’homme de Nazareth", l’histoire de Jésus comme vous ne l’avez jamais lue !).
Une petite conclusion ?
Les paroles de l'aumônier dans le film, qui dit :
Quand un Homme cesse de choisir,
il cesse d'être un Homme.