tu me tournes le dos
Tu me tournes le dos. Tes doigts courent sur le clavier, tu es un peu penché, légèrement. Tu me tournes le dos. Depuis combien de temps ? Depuis combien de temps, insidieusement, l’écran s’est-il glissé entre nous deux ? Tu disais, je ne peux plus, de toutes façons je ne peux plus te donner tout ce que tu attends, alors à quoi bon ? Mais comment peux-tu savoir ce que j’attends ? Et si ce que j’attends n’était pas là où tu l’attends ? Tu disais : avant. Bien sûr, avant. Avant, tu me faisais des choses, tu allais partout, avec tes mains, avec tes dents, toi mon réservé tu abandonnais toute réserve, tu en devenais presque brutal, et c’est ce que je voulais, oui sûr, c’est ce que je voulais, qu’on soit saisis d’un savoureux vertige, un vertige qui nous submerge, nous dépasse, et l’illusion de s’en croire la cause, l’illusion sais-tu ? cette illusion de n’être que des corps, des corps qui se réchauffent à même la peau, d’ailleurs n’est-ce pas toujours ce qu’on fait à deux, on se colle pour ne plus avoir froid, jamais, pour oublier le vide, le silence, pour oublier la solitude et tous ces maux qui nous vrillent le dos .. le dos. Tu me le tournes.