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le blog de Ambreneige
30 septembre 2013

Comme des dieux las

foretvert

 

Le paysage silencieux, presque mélancolique, d’un petit bois à l’orée du village où, pendant les vacances scolaires, je loge chez ma correspondante allemande .. je marche dans la nuit, ivre d‘exaltation parce que jamais au grand jamais, mes parents ne me laissent sortir ainsi le soir, et encore moins au milieu d’une bande joyeuse où les garçons comme des dieux las avancent à grandes enjambées tranquilles, offrant aux filles un bras théâtralement désabusé. Sauf à moi. Parce que moi, je me serre contre Gabi. Ou plus exactement, Gabi se serre contre moi, son bras glissé sur mes reins qui me tient par la taille. Ô Gabi, Gabi ma sœur, mon Amérique à moi, j’aurais tellement aimé que le hasard des échanges épistolaires me dirigeât vers toi plutôt que vers Jutta dont je suis si différente ! Mais c‘est ainsi, et nous avançons dans un désordre solennel, conquis par une saine joie de vivre. Ça chahute un peu, je cherche en vain à comprendre ce qui se dit - c‘est mon premier séjour et je n’ai encore que quelques bribes d’allemand, insuffisantes en tout cas pour tenir une conversation. Dans mon cou, la bouche de mon amie déroule des rubans de confidences, elle chante, elle bavarde, je finis par comprendre qu’elle veut un bébé, elle veut que Bruno lui fasse un bébé, elle l’appellera Uwe.. Et la voilà qui renverse à ma rencontre son merveilleux regard clair que le plaisir allume de paillettes dorées. Elle rit, son souffle halète un peu. Nous nous posons sur un banc, des couples se forment, Bruno n’est pas loin. Il se sait sollicité par Gabi, il rit lui aussi, s’approche, s’assied de l’autre côté. Entre nos deux corps, celui de Gabi irradie une chaleur enchanteresse. Qu‘elle est belle, toute en crinière d’or, hallucinante de gaieté !

Quelle tendresse j’éprouvais pour Gabi ! Gabi qui voulait avoir un-bébé-toute-seule. Comme moi.

Jamais, avant de faire remonter pour vous ces souvenirs, jamais je n’avais fait le rapprochement entre cette affinité qui nous unissait et ce désir commun que nous avions, un désir qui nous aurait probablement soignées si seulement ..

Mais revenons à cette soirée, à ce banc où je suis assise, timide.. La cloche du village sonne au loin. Je regarde le ciel, suis avidement des yeux la gracieuse nuée d’oiseaux qui virevolte dans la nuit, petites taches brunes qui dansent aux cieux avec une grâce surnaturelle.. Et là, Bruno se penche, il se penche vers moi. Je me rappelle encore de ma surprise lorsque soudain j‘ai vu surgir son visage devant le mien, je me rappelle de ses yeux d’un bleu si tendre, de la porcelaine pure, plus claire encore que la chicorée sauvage.. Bruno est là, il m’offre sa main douce et chaude. Je me tourne vers Gabi, incrédule, mais mon amie s’éloigne en riant après avoir eu, d’un geste large des bras, un mouvement comme pour nous rassembler.

Bruno m’entraîne à l’écart du petit groupe. Nous franchissons un ponton en bois qui évite de s’enliser dans la tourbe.. Il se place en face de moi et je sens que quelque chose d’important va se passer.. .. par-dessus son épaule, je repère des myrtilles et une petite araignée dolomède cachée entre deux herbes, les sphaignes imprégnées d’eau que jamais plus je n‘oublierai..

Puis d’un seul coup, c’est là. Il pose ses lèvres sur les miennes. Elles sont moelleuses et tièdes. Le souffle court, je ferme les yeux, avec l’impression d’avoir le tournis. Il va se passer quelque chose, c’est sûr, quelque chose que je ne connais pas, quelque chose qu’aucun garçon ne m’a jamais fait. Sur ma taille, ses mains s’occupent à une besogne mystérieuse lorsque soudain je sens, au creux de ma bouche, une pointe serpentine qui se faufile, m‘emprisonne, remonte tout doucement, repart en tournant .. Tout mon corps, réceptif à hurler, se met à frissonner. Jamais on ne m’a fait un truc aussi bon, jamais. Et le voilà qui disparaît de nouveau tout au fond, le voilà qui s’éloigne, à peine, pour me réinvestir encore plus profond, encore plus gourmet .. J’ose à peine bouger tellement j’ai peur, si je fais le moindre mouvement, que la magie s’arrête. Bruno déguste mes lèvres à petits lapements fébriles, descend légèrement sur mon cou pour le saccager de suçons désordonnés et revient à ma bouche pour l’investir de sa langue impudique et experte. Je suis terrassée de volupté.. je veux que ça ne s’arrête jamais-jamais-jamais ! je ronronne, je gémis, je plie, je ploie, je tombe, je suis ivre .. la houle du plaisir me fait danser comme un bateau perdu.. Tu le sens, n’est-ce pas Bruno que tu le sens ?? Sinon, comment expliquer que ton baiser, mon premier baiser, fut le plus long de tous ceux que j’ai reçus ?

 

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Commentaires
A
ALAIN, merci Alain, vraiment. Quand mon écriture fait un heureux - SURTOUT un "heureux" TEL QUE TOI - je me sens la reine du monde ! ;-)
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A
Tu sais que tu es EXCELLENTE quand tu écris comme ça... !<br /> <br /> Le texte coule de lui-même, sans ruptures, simplement comme se répand l'eau de l'amour...<br /> <br /> Moi, j'en redemande....
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R
@ Andiamo<br /> <br /> Le premier baiser, c'est juste la première fois.... Enfin bon, si ce jour-là tu avais le hoquet...:-D
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A
Joli ! Beaucoup d'émotion dans ce billet...<br /> <br /> <br /> <br /> Voici le mien de premier baiser, te moque pas !<br /> <br /> <br /> <br /> http://blogborygmes.free.fr/blog/index.php/2007/12/19/868-premier-baiser
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A
Joli ! Beaucoup d'émotion dans ce billet...<br /> <br /> <br /> <br /> Voici le mien de premier baiser, te moque pas !<br /> <br /> <br /> <br /> http://blogborygmes.free.fr/blog/index.php/2007/12/19/868-premier-baiser
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