Coup bas
C’est bizarre, maintenant quand j'entends "quête du bonheur", ça m'énerve, mais ça m'énerve !!! Où que l’on aille, quoi que l’on dise, quoi que l’on lise, le discours est toujours le même : il faut être heureux, épanoui, bien dans sa vie. A bas les frustrations !! A bas les manques, à bas les rides !! Ah oui parce que les rides, c’est très laid. Maintenant, il faut rester jeune, dans sa tête et dans son corps. Ce même corps qui, passé cinquante ans, donne des signes de faiblesse, de fatigue, mais qu’on cherche à faire taire à tout prix. Pourtant, c’est bien normal qu’il rame, ça fait un demi-siècle qu’il trime comme un malade à en prendre plein la tronche avec nos velléités de décrocher l’inaccessible étoile ! Car parfois, on place la barre du bonheur tellement haut que ça en bouffe, de l’énergie ! ça bouffe même toute l’énergie qu’on aurait pu passer à être tout simplement heureux !
Je repense à ce temps où, plus jeune, je ne me posais pas ce genre de questions. Il est vrai que j’étais très occupée à faire bouillir la marmite. La précarité n’aide pas à se projeter dans l’avenir. Mais je ne regrette rien, car cette union qui m’obligeait à vivre au jour le jour m’a offert d’inestimables présents (dans tous les sens du terme), présents qui sans doute masquaient (compensaient ?) la dureté de ce que je vivais, mais qu’est-ce que ça peut faire aujourd’hui puisque c’est ce qui m’a permis de vivre ?
Parce que je ne voudrais pas dire, mais la vie, c’est plutôt ça : les coups durs, quand ce ne sont pas des coups bas, du courage à aller puiser au fond de soi, inlassablement, et recommencer, sans cesse. Alors c’est quoi cette histoire d’être épanoui et serein ? comment être épanoui et serein avec la vie qu’on vit aujourd’hui ? de plus en plus de cancers, la bouffe empoisonnée qu’on ingurgite, le désengagement de tous dans tout, et l’irrespect, mon Dieu ! l’irrespect de cette vie dont on nous rebat les oreilles !
Réussir à encaisser en souffrant au minima, OK. Savoir ce qu'on veut et trouver un moyen de le satisfaire le mieux possible sans faire souffrir personne, OK.
Mais attendre le Bonheur de "l'autre", des autres, de la vie, c’est quoi ce gag ???