C'était il y a longtemps
Je me rappelle un jour, c’était il y a longtemps, et c’était il y a loin (l’ex-Yougoslavie). On avait dormi à la belle étoile, enfin dormi, c’est beaucoup dire, on avait parlé, plutôt, toute la nuit. Il s’appelait Pierre, enfin ... un autre Pierre. Pas celui qui. Non, ce Pierre-là, il ne m’a laissé que son prénom, et des mots dans la nuit. On avait fini par s’allonger à plat dos, on regardait le ciel. Mon Dieu que j’aimais regarder le ciel ! Et puis sa main était venue sur moi, elle était allée s’aventurer sous mon pantalon, sous mon slip en coton, pour aller se poser délicatement sur le Mont-de-Vénus. Elle y était restée un long moment, comme pour décalquer l’empreinte sur sa paume, s’imbiber de ma chaleur, de mon humidité, redessiner mentalement la galaxie des femmes (il avait, semble-t-il, un profond besoin de renouer avec le corps féminin).
Je n’avais rien dit. Je n’avais rien dit parce que dans ce geste, il n’y avait rien d’autre que de la tendresse. Ou plutôt, ce que je sais aujourd’hui être de la tendresse. De la délicatesse. Ces trucs qui m’ont tant, tant, tant manqué par la suite dans mes relations à l’homme. Pourquoi ? pourquoi était-ce si incompatible pour moi qu’un homme qui est censé m’aimer puisse être tendre et gentil avec moi ? Pourquoi ? Je ne sais pas.
Juste, je me rappelle : la couverture tricotée d’étoiles au-dessus de nos têtes, et puis l’infinie douceur, et ne pas avoir peur.
Etre à côté d’un homme et ne pas avoir peur.
Au matin, il a remis son sac sur son dos, et il a repris la route.
Je me rappelle, c’était il y a longtemps.