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le blog de Ambreneige
9 août 2012

Une joyeuse pluie de grains

blcorset

 

Aujourd’hui, je vais vous parler de mon ancêtre Julie.

Ses parents, Jacques et Catherine, se marient le 21 octobre 1829 à Sallau, où vit Catherine. L’industrialisation et l’urbanisation ont tellement modifié l’aspect de cette ville qu’il est difficile d’imaginer que Sallaumines n’était, sous l’Ancien Régime, qu’une petite agglomération rurale. Si petite qu’une rue unique la traverse, la Rue Grande, où habiteront Jacques et Catherine et où naîtront leurs enfants.

Mais pour l’heure c’est jour de liesse dans le bourg. Catherine, qui n’a pas les moyens de faire confectionner une nouvelle tenue par la couturière pour cette occasion, a sorti de l’armoire sa robe la plus belle (la tradition de la robe blanche avec un long voile n’est apparue que plus tard).

Marguerites, roses et physallis bordent le chemin des mariés, que suit tout le village de Sallau en plus des familles des promis, composées majoritairement de celle de Jacques, qui vient de Wingles.

La cérémonie a lieu à dix heures du matin, et c’est à jeun, comme le veut la tradition, que les jeunes gens échangent leurs consentements. Ils sont tous les deux majeurs, Jacques a 30 ans, et Catherine 34 - à cette époque pour se marier il faut avoir 30 ans si on est un homme et 25 si on est une femme, avant cet âge le consentement des parents est indispensable ! en réalité, dans les faits, même majeurs c’était très compliqué de se marier sans le consentement parental, la pression de la famille est énorme .. 

Les quatre témoins sont des hommes, même si, grande première ! les témoins peuvent être de sexe féminin depuis la loi du 20 septembre 1792.

Ensuite vient la bénédiction nuptiale donnée par le prêtre, à l’église où le cortège s’est rendu.

Après quoi on asperge les époux d’une joyeuse pluie de grains, en signe de bonheur et de fécondité. Le cortège accompagné de musiciens se promène dans tout le village, juste avant de faire la fête pendant plusieurs jours, de se laisser entraîner dans la frénésie de la danse, grisés par le vin, joyeux de rire et de se détendre avec en bruit de fond les cloches qui sonnent à toute volée.

Il faut dire que l’aspiration à la joie est grande pour tous ces gens qui ont traversé les affres de la Révolution et des guerres, qui en ont été meurtris, voire spoliés, comme les pères de Jacques dont les terres ont été confisquées par les Révolutionnaires.

La France en effet, après le procès de Louis XVI et son exécution le 21 janvier 1793, n’en avait pas fini avec les affrontements. Elle  a dû faire face à une nouvelle coalition qui regroupait presque tous les pays d’Europe (Autriche, Prusse, Angleterre, Hollande, Espagne, Russie) et la menaçait sur toutes ses frontières, sans parler des insurrections royalistes au sein même du pays.

Face à ce péril, la Convention décrète en août 93 la levée en masse. Tous les Français sont en réquisition permanente : "Les jeunes célibataires de 18 à 25 ans seront soldats, les hommes mariés forgeront les armes, les femmes feront des tentes, des habits et soigneront les blessés, les enfants mettront le vieux linge en charpie, les vieillards exciteront le courage des guerriers."

Pierre, le père de Jacques, a 22 ans au moment de ces événements. Il est donc directement concerné, d’ailleurs on trouve dans un acte daté du 4 Pluviôse An III (23 janvier 1795) son témoignage et sa signature : Pierre de M.., 23 ans, volontaire au 5e régiment de Navarre, et ce, à une période où les jeunes militaires désertent, non à l’ennemi, mais vers leurs foyers où les attend le travail aux récoltes.

Voici l’extrait d’une lettre de la Police Militaire datée du 18 Messidor An III : "Un grand nombre de soldats ont quitté leur corps sans permission et sans congé, sous prétexte d’aller se livrer aux travaux de l’agriculture .."

Le 22 Nivôse An IV (12 janvier 1796), Pierre est dans sa vingt-cinquième année quand il épouse une jeune Wingloise de 21 ans, Elizabeth.

De ce couple naît Jacques, le 16 Thermidor An VII. Jacques aura en tout dix frères et sœurs dont 4 mourront en bas âge – la mortalité infantile est fréquente alors.

Jacques grandit dans un contexte de terreur et de privations : il n'est encore qu’un enfant quand aux affrontements révolutionnaires succèdent les guerres napoléoniennes avec même, pendant trois ans et demi, l’occupation de Wingles par 38 cavaliers cosaques ! Les Russes logent chez l’habitant, exigeant d’être nourris et servis à table, sans oublier le vin et l’eau-de-vie.

Des années après, ces événements font encore frémir de peur tous les villageois, surtout quand les Russes ont laissé, comme dans la ferme Gaillard, la trace d’une large brûlure sur la grande table de cuisine (les Russes avaient laissé brûler une chandelle à même le bois, elle s’était consumée et avait entamé la table, qu’on n’appelle plus autrement que la table des Cosaques).

Et ce maudit jour, où Jean-Baptiste Gaillard a été arrêté "pour avoir tenue des parole qui ne devait pas ette dit" !!! certes, il a été relâché le lendemain, mais il a dû se rétracter en jurant que "jamais ne dira plus aucune parolle contre la constitution" !

Mais pour l’instant, Jean-Baptiste Gaillard ne veut plus penser à tout cela. La seule chose qu’il veut, c’est s’enivrer de la fête des noces de son cousin Jacques, comme tous les autres.

Sept mois après le mariage de Jacques et de Catherine leur naît un petit garçon qui ne vivra que six mois, puis, très précisément neuf mois après sa mort, le 5 septembre 1831, Julie vient au monde. Ce sera le seul enfant que Jacques aura jamais, puisqu’à peine deux ans plus tard, Catherine meurt en mettant au monde leur troisième enfant qui ne survivra pas ..

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Commentaires
M
Hello!tu nous donnes rdv avec ton passé antérieur?:o) doux bisous de normandie,pour quelques heures encore...à très vite
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K
Très intéressant. En plus comme j'aime l'Histoire, j'ai passé un bon moment à plonger dans le passé de ta famille. <br /> <br /> Bon après-midi. à bientôt
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