la gomme
Le passé a toujours beaucoup compté pour moi. Je n’étais encore qu’une petite fille que je me languissais déjà devant les photos jaunies, essayant de leur faire livrer leurs secrets. Je sais, ça peut paraître saugrenu de chercher des informations sur des situations qui se sont déroulées tellement d’années avant que je naisse. Mais appréhender l’histoire de l’autre permet de rentrer en contact avec lui, même (surtout ?) quand "rien n’est dit". Cela génère des émotions, et les émotions sont un langage universel qui nous relie soit de manière superficielle (par exemple, une naissance a lieu et on se réjouit) soit de façon beaucoup plus intime (on est "rentré" dans la personnalité de l’autre et l’on sent tout ce que cette naissance recouvre, comme si on était "à sa place" ). Tout ce qui nous arrive, on a besoin de l’expliquer, de le contrôler, que ce soit de manière consciente ou inconsciente. Et parce qu'on a ce besoin, on ne peut pas concevoir un développement purement individuel. On est toujours pris dans des relations avec les autres, quelque soit le contexte dans lequel on vit. Par exemple, la violence dont ma sœur et moi avons été l’objet n’était pas qu’une simple perception des sens. Il y a eu production d’images, d’émotions, d’expressions non verbales. En lien avec cette violence et avec le sens que nous lui avons donné s'est mise en place toute une symbolisation qui a généré des croyances (je prends l'exemple de la violence mais c’est pareil dans n’importe quelle autre situation, donc aussi dans les situations où l’on ressent du plaisir). Par ailleurs, je suis intimement persuadée que nous venons au monde avec une "mémoire" de situations vécues à une autre époque dans les générations précédentes. D’ailleurs je pense que c’est cette conviction intime qui m’a poussée très jeune à me pencher sur mon histoire généalogique. J’en suis d’autant plus persuadée que la naissance de chacun de mes enfants a réveillé des symptômes corporels et des comportements en relation avec des situations que mes recherches généalogiques avaient révélées (malgré les non-dits et les secrets de famille) et qui pourtant s'étaient déroulées parfois trois ou quatre générations avant. Aujourd’hui néanmoins, je m’interroge sur la place qu’a toujours occupé le passé dans ma vie. Je me demande si pour moi ne serait pas venu le moment d’ouvrir un "cahier neuf" ? N.B. première photo : ma grand mère deuxième photo : ma fille