la face cachée de Brie
Elle est arrivée ..
.. comme arriverait en plein hiver un pimpant rayon de soleil. Gaie, heureuse de vivre et douée d'une immense curiosité, elle était toujours en mouvement et crapahutait dans tous les sens.
Dans la ville où nous habitions, il y avait peu de circulation à l’époque, voire pas du tout, et Maman nous a raconté qu’à peine stable sur ses jambes potelées, elle partait vivre sa vie sans rien demander à personne. Si bien que haute comme trois pommes, elle avait déjà la vedette : quand Maman courait partout pour la retrouver, la boulangère ou l’épicier disait : "ah vous cherchez votre petite ? Elle est partie par là"
Facétieuse, joueuse, malicieuse, elle adorait nous faire rire, être entourée de bruits divers qui sont le symbole de cette vie qu’elle aime tant sentir vibrer autour d’elle.
Tous les sens en alerte, ma soeur captait les messages et les décodait à toute vitesse. Son éveil et son développement étaient si rapides qu’on s’est longtemps demandé si elle n‘était pas le fruit du facteur (qui n‘ était pas Suisse).
En perpétuel devenir, en constante évolution, elle ne cesse de vouloir tout voir et de tout expérimenter. Ca fait belle lurette que j’ai renoncé à ahaner derrière elle : je n’ai jamais réussi à la suivre. Je ne note plus non plus sa nouvelle adresse - il m’aurait fallu un calepin rien que pour elle.
Aucune attache, aucun lien pesant, aucune lourde tutelle ne lui ont jamais convenus. Elle a toujours eu besoin d’air, au propre et au figuré.
Pendant plusieurs années, elle a travaillé dans une entreprise où l’urgence était devenue un art de vivre. Il lui fallait se cloner en trois exemplaires pour ne pas céder à l'hystérie.
Après sa journée de travail, sa délicieuse petite famille n’avait qu’une idée : se reposer sur elle pour se détendre de sa rude journée.
Un jour, elle a commencé à manifester une tendance inquiétante à se poser des questions métaphysiques du genre :
en quoi la mauvaise herbe est-elle une mauvaise herbe et qui a décidé ça ? Du coup, elle a décidé d’aller planter elle-même ses légumes dans l’air vivifiant du Gard.
C’était il y a dix sept ans.
Depuis, elle est aussi heureuse qu'un escargot qui ne serait né qu’avec des cornes et qui découvrirait l’usage de la coquille. Elle vit sa vision de la vie, hors habitudes et hors horaires, jalonnée d’une succession de bulles de bonheur. Et même si d‘aucuns, perplexes, appellent cette façon de vivre du "n‘importe quoi",
ça lui est bien égal !