Si petites
Toute ma vie, j’ai foiré mes histoires d'amour parce que je 'cherchais' mes parents dans les hommes que j’ai rencontrés.
Je vais être plus précise : ce ne sont pas mes parents que je cherchais, mais tout ce que je voyais en eux de plus douloureux, de plus toxique. J’ai cherché l’indifférence de ma mère, la froideur glaciale de mon père. Et pourtant ! si vous aviez connu mes parents ! jamais vous n’auriez utilisé ces qualificatifs pour les décrire. Mes parents aimaient profondément la vie, et ils m’ont d’ailleurs communiqué cet amour. C’est à eux que je dois ma passion pour la mer, pour le sable doux et chaud, c'est grâce à eux que je m'émerveille de la luminosité d'un ciel bleu, que j'aime toucher les arbres et sentir les fleurs, nous partions tous les étés dans des pays merveilleux comme l’Italie ou la Grèce mais aussi souvent les fins de semaine en pleine nature ou nous balader en forêt. Mes parents aimaient aussi réunir ceux qu’ils aimaient, notre famille. Si ma marraine avait une maison (construite et agrandie au fil des années par mon oncle lui-même), mes parents, eux, n’avaient qu’un petit appartement avec une seule chambre dans lequel on vivait à cinq, mais ça ne les a jamais empêchés de recevoir les sœurs, les cousins, les oncles et tantes, les parents, et qu'on se retrouve je ne sais pas comment à un million. Il n’était pas rare que ma mère et ma marraine qui étaient sœurs invitent chacune la belle-famille de l’autre, car quand yen a pour dix, yen a pour vingt !! On faisait des tables de fortune, on poussait les murs, on mangeait à la bonne franquette. Enfin même pas ! car maman était une excellente cuisinière. Elle faisait du tout avec du rien. Elle nous gavait comme des oies. En fait, elle nous donnait à outrance ce qu’elle savait faire. C’était sa générosité. Comment ai-je pu entretenir si longtemps la croyance qu’elle ne nous aimait pas ? aurais-je fait mieux et plus à sa place ? qui peut prétendre valoir mieux que qui que ce soit ?
Mon père nous filait des baffes, c’est vrai, et nous étions si petites. C'est la seule manière qu’il a trouvée pour nous apprendre à être forte et à ne compter que sur soi. Il voulait le meilleur pour ses filles et la vie lui avait appris qu’on n’est jamais si bien servis que par soi-même. Est-ce de sa faute si j’en ai fait tout un fromage ? m’a-t-il violée ? enfermée dans un placard ? comme maman il m’a donné tout ce qu’il avait, tout ce qu’il savait.
Alors qu’est-ce qui a bien pu me pousser à chercher des trucs et des machins, quel est ce besoin masochiste qui m’imbibait comme un baba ? comment ai-je pu occulter toutes les autres choses qu’ils nous ont apprises, le bonheur d’être ensemble, tous les éclats de rire, la danse, mon Dieu la danse.. mon père dansait divinement bien. Il fermait les yeux, complètement transporté. Un homme qui aime autant la musique peut-il être aussi nocif que je me le suis répété à longueur de vie ?